L’intuition
Victor Hugo tenait l’intuition en haute estime. Située à la fois « dans l’homme et dans le mystère », elle revêt à ses yeux une dimension humaine et mystique.
Je vais fermer l’œil terrestre; mais l’œil spirituel restera ouvert, plus grand que jamais. Je repousse l’oraison de toutes les églises. Je demande une prière à toutes les âmes.
L’intuition a ainsi aux yeux du philosophe cette dimension de « clarté sous terraine » qui s’oppose à l’ombre tout en l’embrassant pleinement. Alors que « le raisonnement vulgaire rampe sur les surfaces ; l’intuition explore et scrute le dessous. » nous dit Hugo.
« L’intuition est à la raison ce que la conscience est à la vertu : le guide voilé, l’éclaireur souterrain, l’avertisseur inconnu, mais renseigné, la vigie sur la cime sombre. Là où le raisonnement s’arrête, l’intuition continue. L’escarpement des conjectures ne l’intimide pas. Elle a de la certitude en elle comme l’oiseau. L’intuition ouvre ses ailes et s’envole et plane majestueusement au-dessus de ce précipice, le possible. Elle est à l’aise dans l’insondable ; elle y va et vient ; elle s’y dilate ; elle y vit. Son appareil respiratoire est propre à l’infini. Par moments, elle s’abat sur quelque grand sommet, s’arrête et contemple. Elle voit le dedans. »**
Cette intuition est surtout pour Hugo par essence « sur-humaine » pour lui car nous mettant au contact de l’inexplicable et de l’indicible, d’un infini divin. Elle n’est ni plus ni moins pour le penseur que « le prolongement de Dieu ». « L’intuition, comme la conscience, est faite de clarté directe ; elle vient de plus loin que l’homme ; elle va au delà de l’homme ; elle est dans l’homme et dans le mystère ; ce qu’elle a d’indéfini finit toujours par arriver. Le prolongement de l’intuition, c’est Dieu. Et c’est parce qu’elle est surhumaine qu’il faut la croire ; c’est parce qu’elle est mystérieuse qu’il faut l’écouter ; c’est parce qu’elle semble obscure qu’elle est lumineuse. »
*Extrait de La Dernière Lettre, Anthologie des derniers mots des grands hommes