La lacto-fermentation des légumes Comprendre et affiner la préparation des légumes lacto-fermentés.
Contrairement à la conservation par le froid (congélation, surgélation) ou la chaleur
(stérilisation, pasteurisation), la lacto-fermentation ne nécessite aucune énergie et ne détruit
pas les nutriments. Elle fournit ainsi un aliment de haute qualité nutritive à moindre coût
financier et écologique.
1. Les fermentations
Une fermentation est la transformation de substances organiques (ici les légumes) sous
l’action d’enzymes (encore appelées » ferments « ) produites par des micro-organismes. Il en
existe de différentes natures (alcoolique, lactique, acétique…) selon le produit obtenu (alcool,
acide lactique, acide acétique…)
Les micro-organismes intervenant dans les fermentations sont de deux types. Les bactéries
sont des êtres vivants unicellulaires indispensables à la vie, elles participent à tous les
processus de décomposition de la matière organique et jouent un rôle prépondérant dans la
fermentation lactique.
Les champignons microscopiques regroupent les levures et les moisissures. Les levures
interviennent notamment dans les fermentations alcooliques. Les moisissures altèrent très
souvent les aliments mais il en existe de » bonnes » utilisées par exemple dans la fabrication
des fromages (roquefort, camembert…)
Dans un milieu favorable, ces micro-organismes se multiplient très rapidement. Ils sont
détruits par la chaleur mais simplement inhibés par le froid.
Le processus de fermentation se déclenche quand les conditions de température, d’acidité,
d’oxygène et de nutriments favorables aux micro-organismes sont réunies. Ceux-ci
synthétisent alors les enzymes nécessaires à la décomposition des grosses molécules (tels les
glucides qui leur fournissent l’énergie) en molécules plus petites qu’ils peuvent assimiler. Il
s’ensuit une succession complexe de réactions chimiques qui conduisent au produit final.
Les différentes fermentations.
• La fermentation alcoolique transforme les sucres en alcool et en gaz carbonique
essentiellement sous l’action de levures. C’est une fermentation anaérobie (en l’absence
d’oxygène). Elle est utilisée, par exemple, dans la confection des boissons (vin, bière)
et du pain.
• La fermentation lactique, également anaérobie, transforme les sucres en acide lactique.
Elle est principalement réalisée par l’action de bactéries lactiques et intervient dans la
transformation de nombreux aliments (produits laitiers, charcuterie, conservation des
légumes…)
• La fermentation acétique se fait en présence d’oxygène (fermentation aérobie), elle est
réalisée par des bactéries acétiques qui transforment l’alcool en acide acétique
principal constituant du vinaigre.
• Il existe d’autres types fermentations (propionique, butyrique…)
Lors d’un processus de fermentation, les différentes espèces de micro-organismes (et donc les
différents types de fermentation) entrent en concurrence. Le produit final est donc toujours le
résultat de plusieurs types de fermentation.
Conservation des légumes par fermentation lactique
La conservation par fermentation lactique consiste à favoriser le développement des bactéries
lactiques. Ces bactéries produisant de l’acide lactique, le milieu s’acidifie progressivement et
empêche la prolifération des autres micro-organismes, notamment les micro-organismes
pathogènes ou indésirables comme les moisissures.
La lacto-fermentation des légumes se déroule en trois phases :
1. Pendant la pré-fermentation qui dure en général 2 ou 3 jours, de très nombreuses
espèces de micro-organisme se développent. Les légumes commencent à se
décomposer et ramollissent.
2. L’acidification démarre quand les bactéries lactiques prennent le dessus sur les autres
organismes. De nouvelles substances sont produites (de l’acide lactique bien sûr, mais
aussi des vitamines et d’autres composés).
3. Quand le pH ( » l’acidité « ) du milieu atteint une valeur inférieure à 4,1 (au bout de 2 ou
3 semaines), les micro-organismes indésirables ne peuvent plus se développer. Entre
3,5 et 4, la multiplication des bactéries lactiques s’arrête. Commence alors la phase de
stockage pendant laquelle se forment les nouveaux arômes.
Les légumes lacto-fermentés peuvent se conserver ainsi plus d’une année.
Conditions optimales pour la fermentation lactique
1. Les aliments (ici les légumes) doivent fournir les éléments nutritifs indispensables aux
bactéries lactiques, essentiellement du sucre (sous forme d’amidon dans les céréales,
de fructose ou de saccharose dans les fruits, de lactose dans le lait), des vitamines du
groupe B et des sels minéraux. Tous ses éléments sont présents dans une plante saine
cultivée naturellement sans pesticide ni engrais de synthèse.
2. La température doit être de l’ordre de 20°C en début de fermentation.
3. L’oxygène doit être éliminé (par immersion dans l’eau par exemple).
4. La concentration en sel doit être comprise entre 0,5 et 1,5% du poids des légumes. Elle
permet d’inactiver les enzymes responsables de la décomposition des légumes et
notamment des protéines.
1. Les légumes : il est possible de faire lacto-fermenter la plupart des légumes (ail, côte
de bette, betterave, carotte, céleri, champignons, choux de toutes sortes, concombre,
courgette, fève, haricot vert, navet, oignon, petit pois, poivron, potiron, radis, scarole,
tomate…). Ils doivent être issus de culture naturelle : une des principales causes
d’échec lors de la lacto-fermentation est l’utilisation de légumes ayant subi des
traitements ou des amendements chimiques. Une longue période pluvieuse n’est
favorable ni aux légumes dont la teneur en sucre et la concentration en substances
aromatiques diminuent ni aux bactéries lactiques présentes à la surface des légumes.
Quelques jours de soleil et de chaleur remédient à ces inconvénients. A noter que la
tomate bien mûre (la tomate verte contient trop de solanine, substance toxique)
contient des substances de croissance favorisant la multiplication des bactéries, on
peut en ajouter à toutes les préparations.
2. Les aromates : ail, aneth, coriandre, cumin, estragon, feuille de cassissier, griottier,
framboisier, genièvre, laurier, moutarde, piment, raifort, sarriette, thym… Non
seulement les aromates apportent saveurs et arômes aux préparations, mais ils sont
également riches en substances actives. Ainsi, l’ail, les baies de genièvre et le piment
contribuent à empêcher la pourriture ; les feuilles de framboisier et de cassissier sont
riches en bactéries lactiques ; les baies de genièvre et le cumin facilitent la digestion
de la choucroute.
3. L’eau : il est recommandé d’utiliser de l’eau de source (pas de l’eau en bouteille !). Si
l’on utilise de l’eau du robinet, il faut la laisser reposer une nuit ou la faire bouillir
quelques minutes pour que le chlore s’évapore.
4. Le sel marin est recommandé pour sa teneur en minéraux et en oligo-éléments. La
quantité de sel nécessaire dépend de la qualité des légumes. Un manque de sel peut
conduire à une fermentation alcoolique et au pourrissement des légumes.
5. L’ensemencement n’est pas indispensable, il favorise et guide la fermentation. Le
petit-lait, riche en lactose, vitamines et sels minéraux, favorise la fermentation des
légumes pauvres en éléments nutritifs comme les concombres. Le jus de préparations
lacto-fermentées (notamment le jus de concombre) permet un démarrage rapide de la
fermentation.
Matériel
Il n’est pas besoin de matériel sophistiqué pour lacto-fermenter.
1. Les récipients : les bocaux en verre à vis (que l’on récupère aisément), tout comme les
bocaux à joint, conviennent parfaitement, ils permettent de faire de multiples essais et
d’ouvrir les bocaux au fur et à mesure de sa consommation. Les pots à joint d’eau sont
des récipients spécialement conçus pour la lacto-fermentation : ils laissent s’échapper
le gaz carbonique produit par la fermentation mais empêche l’entrée d’air et donc
d’oxygène néfaste à la lacto-fermentation. Traditionnellement, on utilisait des
récipients ouverts (tonneau en chêne, pot en grès), ces récipients nécessitent plus
d’attention et une mise en place plus compliquée (linge, planchette, pierres…)
2. La préparation des légumes consiste à les éplucher,
les couper ou les râper. Un bon couteau de cuisine,
un couteau économe (ou épluche-légume) et une
râpe suffisent amplement. Il existe des instruments
spécialisés tels le rabot à choucroute ou le dérouleur
de navet, ils n’ont d’intérêt que pour les très grandes
quantités.
3. La mise en pot demande de tasser fortement les
légumes. Selon la taille du pot, on utilise un pilon, le
poing ou les pieds. Pour les récipients ouverts, il faut
de plus placer une planchette recouverte d’un linge et
lestée d’une pierre pour faire pression sur les
légumes.
Réalisation
Il existe de très nombreuses recettes pour préparer les légumes lacto-fermentés avec autant de
variantes mais elles s’appuient généralement sur un des deux principes suivant : soit
• réduire les légumes en petits morceaux (émincés ou râpés),
• les mêler au sel et aux aromates,
• remplir le récipient en tassant fortement,
• éventuellement, ensemencer avec du petit-lait ou du jus lacto-fermenté,
• couvrir d’eau si les légumes n’ont pas rendu suffisamment de jus,
• fermer le récipient ou placer la planchette pour les récipients ouverts,
soit :
• laisser les légumes entiers (haricot, bouton de fleurs, cornichons) ou coupés en
morceaux,
• préparer une saumure (30 gr. de sel par litre),
• remplir le récipient de légumes,
• couvrir avec la saumure,
• fermer le récipient ou placer la planchette pour les récipients ouverts.
La fermentation
Une fois la préparation achevée, la fermentation est influencée par la température à laquelle
on place les pots. Au départ, il est important d’avoir une température supérieure à 15°C et
inférieure à 25°C pour que la fermentation démarre rapidement, la température optimale se
situant, selon les légumes, entre 18°C et 22°C.
Une méthode simple pour guider la fermentation en température consiste à laisser les pots à la
cuisine pendant 3 jours puis de les placer dans un endroit plus frais (la cave, le cellier…)
jusqu’à consommation.
La lacto-fermentation des légumes
Comprendre et affiner la préparation des légumes lacto-fermentés.
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Pour la phase de stockage, il est parfois préconisé de placer les pots dans le
bas du réfrigérateur. Cela nous semble peu cohérent dans la mesure où la
réfrigération est vorace en énergie alors que la lacto-fermentation permet
justement d’éviter la consommation d’énergie (contrairement à la stérilisation,
la pasteurisation, la congélation ou la surgélation…). Si la température s’élève
au-dessus de 10°C, cela ne compromet en rien la conservation des aliments,
ils seront simplement un peu plus acides. Elle influence cependant la durée de
conservation mais les légumes se conservent aisément plus d’un an même si
la température est supérieure à 10°C.
3. Influence de divers paramètres
Le sel favorise les bactéries lactiques au détriment des autres organismes. L’activité des
micro-organismes aérobies lors de la pré-fermentation est donc fortement influencée par la
teneur en sel. Ce sont ces micro-organismes qui ramollissent les légumes. Si l’on veut des
légumes croquants, on mettra plus de sel, si l’on veut les amollir, on en mettra moins.
La température : plus la température est élevée, plus les bactéries sont actives. Durant la pré-
fermentation, une température élevée favorise l’amollissement des légumes. Une température basse lors de la phase de stockage permet de conserver des sucres nécessaires à la formation
des arômes. Ainsi, les préparations faites en été ont tendance à être très acides et moins
goûteuses, tous les sucres étant transformés en acide lactique. Si les conditions ne permettent
pas une température basse, on raccourcit la durée de pré-fermentation et d’acidification.
L’ensemencement consiste à apporter un » levain » : des bactéries lactiques et un milieu qui
leur est favorable (petit-lait, jus de légume lacto-fermenté) ; de ce fait, il a le même type
d’influence que le sel sur la consistance des légumes : plus on apporte de » levain « , plus les
légumes sont croquants. De plus, l’ensemencement oriente fortement la fermentation et la
saveur du produit final puisqu’il apporte des bactéries spécifiques (au petit-lait ou aux
concombres par exemple). Le même légume fermenté dans les mêmes conditions avec ou
sans ensemencement n’aura pas le même goût.
La taille des morceaux influe sur la quantité de sucre libérée lors de la fermentation et donc
sur l’acidité du produit final. Des légumes entiers ou des gros morceaux libèreront peu de
sucre et seront moins acides.
4. La fermentation est-elle réussie ?
La lacto-fermentation est un procédé de conservation sûr, nous n’avons jamais entendu parlé
d’intoxication suite à l’ingestion de tels aliments. La simple observation du produit final nous
indique si la fermentation est réussie. Les légumes obtenus doivent être appétissants, d’une
saveur agréable et acidulée. Une mauvaise fermentation dégage une odeur nauséabonde et les
aliments ont un goût de moisi ou de pourri. Elle est souvent due à une température trop basse
ou trop élevée au départ ou au contact avec l’air (légumes non immergés).
5. Vertus des légumes lacto-fermentés
L’acide lactique, produit lors de la lacto-fermentation, existe sous deux formes appelées L(+)
et D(-). De même formule chimique, ces deux molécules diffèrent par leur structure. Lors de
la lacto-fermentation des légumes, les deux formes sont produites, leur proportion dépend des bactéries lactiques présentes. L’acide lactique L(+) est produit naturellement dans l’organisme
humain, il participe à la production d’énergie. La forme D(-), dont le rôle physiologique reste
mal connu, est éliminé par les reins et le foie.
L’acide lactique facilite la digestion : il fournit des sucs digestifs, régularise l’acidité de
l’estomac, facilite la décomposition des protéines et favorise l’assimilation du fer.
Il favorise également le métabolisme et la respiration cellulaire (il est souvent préconisé dans
le traitement des cancers). C’est également un désinfectant naturel qui a déjà permis de guérir
des cas de dysenterie aiguë.
Les bactéries et les ferments lactiques sont naturellement présents dans l’intestin où ils jouent
un rôle prépondérant (digestion des glucides et des protéines, synthèse de vitamines B et K,
inhibition des germes pathogènes…). Le bon fonctionnement de l’intestin est indispensable à
une bonne santé. L’ingestion de légumes lacto-fermentés favorise la flore intestinale souvent
malmenée par une mauvaise alimentation ou l’absorption de médicaments (notamment les
antibiotiques).
La teneur en vitamines des légumes lacto-fermentés est généralement élevée. Non seulement
la fermentation assure une bonne conservation des vitamines présentes dans les légumes
(l’acidité du milieu est favorable à la conservation de la vitamine C), mais les micro-
organismes synthétisent également de nouvelles vitamines notamment B et C.
D’autres substances sont produites. Par exemple, on trouve dans la choucroute, de la choline
qui abaisse la pression sanguine et évite l’accumulation des graisses dans le foie et de
l’acétylcholine dont l’action sur le système nerveux végétatif assure un plus grand calme et un
meilleur sommeil.
La lacto-fermentation a une action antiseptique sur les légumes : d’une part l’acidification du
milieu inhibe les micro-organismes pathogènes, d’autre part lors de la fermentation sont
produites des substances antibiotiques ce qui limite la propagation des maladies infectieuses
telles que la typhoïde, la tuberculose, les infections intestinales et vaginales… Par ailleurs, les
nitrates et les nitrites sont partiellement décomposés lors de la fermentation.
6. Utilisations thérapeutiques
Dans la médecine de nos ancêtres, les aliments lacto-fermentés ont toujours joué un rôle
important. L’action bénéfique des légumes lacto-fermentés sur le fonctionnement de l’intestin
constitue sans doute leur principale vertu médicinale ; en effet, nombre de maladies
s’accompagnent d’une mauvaise fonction intestinale et le rétablissement de cette fonction est
un atout majeur pour la guérison.
Par ailleurs, des expériences récentes ont montré que les aliments lacto-fermentés ont une
action inhibitrice sur certaines tumeurs. Les aliments lacto-fermentés sont souvent préconisé
dans le traitement des cancers. Les légumes lacto-fermentés sont également fortement
recommandés aux diabétiques : les glucides sont en grande partie décomposés et l’acide
lactique active les sécrétions du pancréas.